Une blockchain permet de stocker et de transmettre de l’information avec des hauts standards de sécurité et de transparence. C’est un registre distribué qui a pour caractéristique d’être simultanément écrit par tous ses utilisateurs, qui détiennent chacun leur propre version, identique aux autres en tout point. Les règles d’une blockchain sont fixées avant son déploiement par un protocole informatique : ce sont des lignes de code qui constitue la technologie de la blockchain. Voyons dans ce guide, le fonctionnement détaillé d’une blockchain.
Les caractéristiques particulières des blockchains
On dit souvent que la blockchain est une technologie qui permet de supprimer les tiers de confiance, ces intermédiaires qui servent de décisionnaires et dont la parole est irréfutable. En réalité, on ne supprime pas vraiment le tiers de confiance du processus de décision. C’est simplement que la confiance n’est plus fondée sur un tiers étant une personne ou une institution : elle repose uniquement sur du code.
C’est avec l’histoire du Bitcoin qu’on a la démonstration que ce système fonctionne. Le code de la blockchain du Bitcoin est dit open source — c’est-à-dire qu’il est ouvertement consultable par n’importe qui — ce qui permet de savoir à l’avance toutes les règles qui vont régir la crypto-monnaie, de sa création à son extinction. C’est d’ailleurs ce qui fait cette transparence et ce qui assure la confiance de ses utilisateurs, depuis son lancement.
Baser sa confiance dans des lignes de codes qui sont publiques et immuables, est aussi simple que d’avoir confiance dans le résultat d’un simple calcul comme « 2+2 » qui sera donné par votre calculatrice. Voilà la révolution proposée par Bitcoin et sa blockchain.
Les blockchains n’existent pas uniquement pour les transactions
Il est fréquemment expliqué que la blockchain est une base de données qui contient l’historique de toutes les transactions effectuées entre ses utilisateurs. Même si cela est vrai pour la blockchain du Bitcoin, ce n’est pas forcément le cas pour toutes les blockchains, loin de là. Retenez qu’une blockchain stocke avant tout de l’information. Cela peut être tout et n’importe quoi tant que cela se traduit avec du code informatique. On voit surtout des événements qui sont des transactions, comme c’est effectivement le cas avec la blockchain du Bitcoin. C’est-à-dire que sur cette blockchain, seules les transactions (en Bitcoin) vont être enregistrées. Mais ceci n’est qu’un usage de la technologie que l’on en a fait, en ce sens que le code du Bitcoin a été écrit pour que chaque transaction de cette crypto-monnaie y soit notifiée sur sa blockchain. Demain on pourrait très bien coder une blockchain qui enregistre d’autres événements, comme le temps d’écoute d’un album sur une plateforme musicale afin de rémunérer à leur juste valeur les artistes. Le monde est actuellement en train de découvrir ce que le potentiel des blockchains peut améliorer dans notre économie.
Il est important de bien comprendre cette nuance pour les crypto- investisseurs. Lorsque Google et Yahoo étaient en compétition à la fin des années 90′, il fallait remarquer que Yahoo distribuait beaucoup de dividendes à ses actionnaires au lieu d’investir dans la pertinence de ses résultats de recherche, comme le faisait Google. Yahoo, pourtant cotée en bourse depuis 1996 se retrouve aujourd’hui loin derrière la filiale d’Alphabet. En tant qu’investisseur vous devez absolument garder cette vision d’ensemble des objectifs des entreprises dans lesquelles vous investissez, et cela est bien sûr valable dans le monde des crypto-actifs. Comprendre les opportunités d’investissement que peuvent apporter les blockchains nécessite de bien comprendre leur fonctionnement technique ainsi que leur potentiel économique. Il ne s’agit pas non plus d’aller chercher à tout savoir dans les moindres détails de la technologie, mais plutôt de saisir les enjeux qui font les différentes blockchains existantes aujourd’hui.
Alors avant de parler des crypto-monnaies, commençons par donner une analogie du fonctionnement d’une blockchain afin de mieux comprendre cette technologie.
L’exemple du jeu des cahiers au bar
Afin de comprendre comment fonctionne une blockchain, imaginons la situation qui suit.
Une bande d’amis se retrouvent régulièrement au bar pour passer des moments ensemble. Ils ont un jeu qui consiste à ce que chacun ait avec lui un cahier et un stylo afin d’y notifier tout ce qu’il se passe dans le bar. Chaque évènement notable qui survient est écrit dans leur cahier, de manière claire et concise, de façon à ce que chaque évènement puisse être retrouvé par la suite et n’importe quand. Par exemple, ils vont écrire qui paye une tournée et à quelles personnes, qui fume une cigarette, qui va aux toilettes, le temps qu’il fait etc… Tous les événements marquants sont inscrits en y ajoutant la date et l’heure précise des faits. Ils notent tout.
À la fin de la soirée, le groupe d’amis s’amuse à comparer ce que chacun a noté. C’est alors qu’ils se rendent compte qu’ils n’ont pas tous exactement les mêmes évènements. Par exemple Coco a noté que Romain a payé deux tournées, alors que Tom n’en a comptabilisé qu’une seule. Ils ont tous un peu bu ce qui a pour conséquence que chaque cahier ne raconte pas les mêmes faits et, que l’on ne sait plus qui détient la vérité. On se retrouve à ce moment-là avec la parole de Coco contre celle de Tom.
Alors pour ajouter de l’impartialité dans le jeu, ils décident de faire intervenir un tiers de confiance, une sorte de juge. Cette personne c’est Vivi. Elle ne boit pas et est parfaitement saine d’esprit. Le lendemain soir, les amis comparent ainsi leur livre et lorsqu’il y a des éléments qui ne concordent pas, tout le monde se rabat sur le cahier de Vivi. Tous considèrent que c’est le cahier de cette dernière, qui détient toute la vérité. Car Vivi est très rigoureuse, et note chaque évènement avec grande précision. En plus, elle ne consomme pas d’alcool, ce qui la rend encore plus légitime et donc favorise la confiance des autres.
Dans ce jeu, Vivi centralise toute l’information irréfutable et tout le monde l’accepte. Elle est garante de la validation des évènements consignés dans son cahier personnel, évènements qui sont considérés pour tout le groupe comme la vérité absolue.
Ce jeu est un système dit centralisé dans le sens où les informations qui ont une valeur indiscutable sont sauvegardées dans un seul et unique cahier, celui du tiers de confiance nommé Vivi.
Nos systèmes monétaires sont centralisés : lorsque vous faites un virement à quelqu’un, c’est la banque qui sert de tiers de confiance en enregistrant la demande de transfert, puis en vérifiant et validant la transaction. Vous ne pouvez pas tricher ou mentir au destinataire d’un virement en disant lui avoir envoyé 1 000€ alors que vous n’en avez envoyé que 100€, car le tiers de confiance (la banque) impose la preuve d’une vérité indiscutable: le montant de 100€ reçu sur le compte du destinataire.
L’un des intérêts de la technologie de la blockchain, c’est de supprimer ce besoin d’un unique tiers de confiance omnipotent. Cela est possible grâce à la communication entre les parties et la transparence des évènements constatés. L’enregistrement, la vérification et la validation d’une transaction — de manière générale d’un évènement — sont alors dits décentralisés.
Le décentralisation dans le fonctionnement de la blockchain
Voici à quoi ressemblerait le jeu après l’ajout de la décentralisation des évènements à nos règles.
Un soir Vincent, l’un des amis du groupe, propose de modifier le jeu. Pour lui Vivi n’est pas forcément omnisciente puisqu’elle est humaine. Elle peut commettre des erreurs et cela même si elle ne boit pas. Par-dessus le marché, il suspecte Paul de tricher en écrivant des événements dans le cahier de Vivi dès qu’elle a le dos tourné. Vincent propose alors que chaque évènement constaté soit écrit en même temps sur tous les cahiers, par tous les membres du groupe et de manière totalement publique. C’est-à-dire que lorsque quelqu’un paye une tournée par exemple, tous les amis se concertent et constatent l’évènement en cours, puis une fois la tournée effectivement payée, ils écrivent en même temps la même information dans leur propre cahier. Et cela, tout en vérifiant que chaque cahier contient bien le même évènement.
Ainsi l’ensemble des amis est certain que dans chaque livre est écrit ce que tous, sans exception, ont pu constater en même temps. Avec ce système de règles, il n’y a plus besoin de tiers de confiance sur qui se rabattre en cas de désaccord étant donné qu’il n’y a plus aucune différence dans les évènements écrits. Dans chaque cahier il y a strictement la même suite d’évènements.
Le système du jeu devient alors décentralisé car le rôle du tiers de confiance n’est pas joué par une personne mais par l’ensemble des membres du groupe. Chaque participant est à la fois un joueur et un juge garant de la vérité constatée.
Pour comprendre la métaphore de ce jeu, il faut voir la blockchain comme une sorte de grand cahier numérique où l’information, les évènements ou encore la vérité vont être enregistrés. Ce grand registre numérique est en réalité une base de données qui est distribuée à tous les membres d’un réseau, c’est-à-dire que chaque participant du jeu en a une version identique qui se remplit au fur et à mesure que les évènements sont ajoutés.
Les amis du groupe sont, dans la blockchain, appelés des mineurs (ou des nœuds): ce sont des particuliers qui vont utiliser un logiciel blockchain sur leur ordinateur afin qu’il valide les évènements, et cela de manière simultanée avec les autres nœuds du réseau. Le fait de constater puis de valider une information signifie qu’elle sera immédiatement inscrite dans la blockchain de la même manière que dans le jeu des cahiers au bar.
Les avantages de la décentralisation
Le principe de décentralisation est à la fois plus démocratique que le système centralisé mais également plus sécurisé. Tout d’abord, la vérité ne repose plus sur une seule personne mais sur l’ensemble des participants. Chaque membre joue le rôle de tiers de confiance et de participant, ils sont donc tous égaux, avec les mêmes droits et pouvoirs : ce système est purement démocratique.
Est-ce pour autant plus sécurisé qu’un système centralisé ? Dans notre exemple de jeu centralisé, lorsque que Paul n’a pas encore payé sa tournée, il tente de tricher pour écrire qu’il en a effectivement payé une, dans le cahier du tiers de confiance. S’il réussit à écrire cet évènement sans se faire voir par Vivi et les autres, alors cette tournée fictive passe pour la vérité et devient indiscutable, même si l’évènement n’a jamais eu lieu. Si l’on fait le rapprochement avec une transaction bancaire où la banque est le tiers de confiance, la triche de Paul revient à hacker la banque, pour lui faire croire que l’on a payé quelqu’un avec de l’argent fictif. C’est difficile mais tout à fait possible.
Lorsque le jeu passe aux règles de Vincent, tous les évènements sont écrits en même temps par chaque participant et cela de manière publique. Si Paul écrit dans son cahier un faux évènement, les autres cahiers auront la preuve qu’il y a une incohérence dans son histoire et donc qu’il triche. Pour que Paul réussisse à duper le jeu, il faudrait qu’il écrive son évènement fictif dans tous les cahiers et cela en même temps. Car les cahiers sont publics. C’est-à-dire que tout le monde peut les consulter à n’importe quel moment. Il devient donc impossible pour Paul d’écrire à plusieurs endroits en même temps.
Toutefois, il peut toujours tricher s’il a des complices. À ce moment-là, c’est la majorité qui l’emporte: si Paul et ses complices ajoutent dans leur cahier un même évènement fictif alors celui-ci passe pour la vérité, si et seulement si, ils sont plus de la moitié des joueurs à tricher.
Si l’on fait le rapprochement avec des transactions de crypto- actifs, la triche de Paul nécessite d’être capable de pirater la majorité (51%) des ordinateurs d’un réseau d’une blockchain. Dans la crypto-sphère, c’est ce que l’on appelle une attaque des 51%. Dans ce cas, Paul peut effectivement pirater la blockchain. Mais c’est extrêmement difficile, bien plus que pirater une seule banque. Car plus il y a de nœuds et donc d’ordinateurs sur le réseau d’une blockchain, plus ce serait très coûteux en termes de temps et d’énergie électrique de coordonner une attaque informatique massive sur au moins 51% des ordinateurs du réseau.
Ce qui rend la blockchain infalsifiable
La sécurité de l’information c’est-à-dire sa véracité, son authenticité et le fait qu’elle soit infalsifiable, qu’elle soit immuable, porte tout l’intérêt que l’on accorde économiquement à une blockchain. C’est uniquement parce que cette technologie possède ces caractéristiques que l’on peut se permettre de supprimer les tiers de confiance dans les échanges à distance. La blockchain est actuellement le moyen le plus sûr de conserver et de transmettre de l’information.
Une information fiable est indispensable pour avoir un échange en toute confiance, que ce soit avec ou sans tiers garantissant sa véracité. Sans une information fiable et identique pour toutes les parties prenantes, il n’y a pas d’échange possible. La sécurité de l’information revêt alors un caractère crucial, principalement dans une société se développant massivement dans l’univers numérique.
Toutefois, ce n’est pas tant le fait que l’information enregistrée au sein d’une blockchain soit décentralisée qui rend sa technologie si sécurisée. La décentralisation de l’information enregistrée au cœur d’une blockchain est en réalité le premier niveau de sécurité de ce dispositif. Il y a deux autres caractéristiques qui rendent le contenu d’une blockchain immuable et incorruptible. Je parle du principe du hachage cryptographique et de celui du consensus.
Le principe du hachage cryptographique
Pour comprendre le fonctionnement d’une blockchain, il faut comprendre ce qu’est le hachage cryptographique. Ce principe que l’on appelle aussi le hash, consiste à ajouter une couche de sécurisation à la blockchain en reliant entre elles toutes les informations enregistrées, et ce du début à la fin.
On l’a dit précédemment, une blockchain est une sorte de grand cahier numérique qui stocke de l’information. En réalité, ce n’est pas vraiment un cahier avec des pages mais plutôt une longue suite de blocs. Les évènements sont inscrits dans des blocs régis par des règles codées en langage informatique. Ces blocs sont constitués d’un en-tête, d’un corps et d’un pied de page, exactement comme pour les logiciels de traitement de texte comme Microsoft Word. C’est pourquoi on fait souvent l’analogie entre les blocs d’une blockchain et les pages d’un livre.
Parmi les règles qui régissent ces « pages » de blockchain, on va avoir tout d’abord la limite de capacité de stockage. Un bloc ne peut contenir qu’un nombre limité d’évènements. Lorsque cette limite est atteinte, l’enregistrement se fait sur le bloc suivant. La limite est de 1 Mo par bloc, l’équivalent d’environ 2 000 évènements par bloc. On ajoute à cela une limite de temps qui est de 10 minutes. Ainsi, même si la limite de capacité n’est pas atteinte, lorsque 10 minutes s’écoulent, on passe au bloc suivant pour continuer à enregistrer des évènements. On change donc de bloc dès que l’on atteint 2 000 évènements constatés ou dès lors que 10 minutes se sont écoulées sur le bloc en cours.
Le pied de page va servir à condenser toute l’information contenu dans le corps du bloc. C’est ici qu’on applique le principe du hash. Pour cela on utilise souvent un algorithme cryptographique nommé SHA-256, bien qu’il en existe d’autres. Cet algorithme cryptographique, va récupérer tout le contenu des évènements inscrits dans le corps pour le retranscrire en une chaîne de 64 caractères précisément. Que ce soit 1 ou 10 000 lettres écrites dans le corps d’un bloc, l’algorithme cryptographique le traduira toujours par un code crypté avec précisément 64 caractères dans le pied de page.
Je vous invite à rechercher cet algorithme sur Google en tapant la requête « SHA-256 calculator » puis, à vous amuser à comparer le résultat d’une phrase, d’une simple lettre ou encore du copier-coller de cet article. Vous verrez que l’algorithme retranscrit toujours une suite de 64 caractères. En termes de cryptographie, c’est réellement du génie car cela permet de condenser un nombre exponentiel d’évènements, tout en conservant un historique de petite taille. C’est ce qui permet de distribuer 15 ans d’historique de transactions en Bitcoin.
Lorsqu’on change de bloc, le pied de page du bloc qui vient d’être rempli sera automatiquement réécrit dans l’en-tête du bloc suivant. Ainsi quand le bloc n°1 est terminé, on réécrit son pied de page dans l’en-tête du bloc n°2. Ce deuxième bloc enregistre ensuite les évènements dans son corps. Puis, une fois la limite de capacité ou de temps atteinte, on va crypter toute l’information du corps du bloc n°2 et son en-tête qui contient toutes les informations du bloc précédent, dans le pied de page n°2. Ce schéma se reproduit alors exactement de la même manière pour le bloc n°3, pour le n°4, pour le bloc n°5 et ainsi de suite, à l’infini.
C’est là qu’on va ajouter une importante couche de sécurité à l’ensemble des informations d’une blockchain, en liant tous les blocs entre eux. Un bloc contient toutes les informations des blocs précédents. C’est comme avoir l’histoire complète de la blockchain qui, depuis sa création, se transmet au fur et à mesure que les blocs s’ajoutent les uns après les autres.
Admettons qu’un attaquant souhaite pirater une blockchain et faire croire qu’il a plus de crypto-monnaies que ce qu’il possède réellement. Il devra soit modifier le bloc en cours, soit modifier un bloc déjà terminé pour y inscrire une fausse transaction qui enrichit son compte. Réussir à modifier un bloc terminé est considéré comme hautement impossible. Car ce cas de figure signifie qu’il faudra modifier un bloc dont le hash est d’ores et déjà propagé sur les blocs suivants, des en-têtes aux pieds de page. Le pirate devra alors falsifier tous les blocs suivants jusqu’au bloc en cours. Ainsi plus un événement est vieux, plus il est sécurisé.
Un pirate pourrait donc vouloir tricher en altérant le bloc en cours d’enregistrement. Dans ce cas, il devra le faire sur la majorité des registres du réseau, ce qui signifie pirater au moins 51% des ordinateurs pour qu’ils inscrivent et valident la même transaction en même temps. Mais ce n’est pas tout, le pirate devra le faire en moins de 10 minutes.
Sans exagérer, à l’heure actuelle c’est une mission proche de l’impossible. Personne n’a encore réussi à pirater le contenu de la blockchain du Bitcoin alors qu’elle existe depuis plus de 15 ans.
Le fonctionnement est basique mais particulièrement efficace en termes de sécurité. Le fait de lier le contenu des blocs entre eux est une idée de génie pour ajouter une couche de sécurité à un système décentralisé, qui est par nature un dispositif déjà très fiable. C’est d’ailleurs de là que la blockchain tire son nom : c’est une chaîne de blocs reliés entre eux par un report du pied de page d’un bloc vers l’en-tête du suivant.
Ces règles qui régissent les blocs ainsi que l’algorithme de hash peuvent varier d’une blockchain à une autre. Dans le cas présent, je vous ai présenté les règles de la blockchain du Bitcoin, ce qui constitue un excellent point de départ pour comprendre le fonctionnement des autres blockchains.
Le principe de consensus
Le principe de consensus est le mécanisme qui permet à tous les participants de s’assurer qu’un événement s’est effectivement produit avant de le valider. Il vise à répondre à la question « comment prouver l’authenticité de chaque évènement enregistré dans la blockchain ? ».
Dans le cadre du jeu des cahiers au bar, tous les participants doivent constater ensemble l’occurrence d’un événement puis ils se concertent. S’ils sont d’accord que l’évènement a bien eu lieu alors, ils l’écrivent dans leur cahier. Cette règle du jeu est basée sur le principe du consensus.
Dans le monde de la blockchain, un algorithme de consensus permet à tout le réseau de se mettre d’accord sur la vérité, sur une version unique de l’histoire de la blockchain. Sans ce principe de consensus, les blockchains ne peuvent plus enregistrer des évènements qui soient irréfutables et validés par les acteurs du réseau.
Concrètement, le mécanisme de consensus d’une blockchain permet de garantir la synchronisation entre les nœuds du réseau, c’est-à-dire mettre à jour l’histoire de la blockchain sans qu’elle soit falsifiée par de faux évènements.
Dans la réalité, n’importe qui peut proposer une information pour qu’elle soit ajoutée au sein de la blockchain. Il est donc important que cette information soit examinée puis qu’il soit décidé, par un mécanisme de consensus, si celle-ci doit être ajoutée ou non à la blockchain. Le mécanisme de consensus est en quelque sorte l’audit du réseau par le réseau. De cette façon, la blockchain peut se mettre à jour tout en étant sûre que chaque bloc contient une information validée par le réseau.
En plus d’assurer le bon fonctionnement d’une blockchain, le mécanisme de consensus a pour but de protéger le réseau de la triche de la part des utilisateurs. Cela permet d’éviter par exemple la double dépense d’un même actif. Comme on l’a vu dans l’histoire détaillée du Bitcoin, la double dépense, pourrait totalement ruiner la valeur de la crypto-monnaie. Si on peut dupliquer un actif à partir de rien, sa valeur n’a plus aucun sens. C’est typiquement dans ce cas de figure que le protocole de consensus va être capable de détecter s’il y a une double dépense, afin de ne pas valider le doublon de transaction.
Le protocole de consensus fait partie de l’ADN d’une blockchain. De ce fait, il est défini dès le début du développement du code d’une blockchain. On voit beaucoup de mécanismes de consensus différents à l’heure actuelle. Aujourd’hui, il en existe plus d’une vingtaine, les plus connus étant la preuve de travail (proof of work, PoW) et la preuve d’enjeu (proof of stake, PoS).
La preuve de travail des blockchains
La preuve de travail est le mécanisme le plus utilisé par les différentes blockchains. En fait, comme c’est le consensus utilisé par le réseau Bitcoin depuis 2009, il a su démontrer sa robustesse face aux piratages. En presque 15 ans, il n’a jamais vacillé.
C’est avec ce type de consensus que l’on fait appel à des mineurs pour valider un évènement sur le réseau. Pour ajouter une transaction, les mineurs résolvent de problèmes mathématiques complexes qui nécessitent une grande puissance de calcul. Avec ce modèle de vérification, la participation des mineurs est ouverte, c’est-à-dire que n’importe qui peut utiliser son ordinateur pour participer aux validations. Cela rend le réseau très robuste puisque beaucoup de personnes peuvent participer à la sécurisation des blockchains fonctionnant avec la preuve de travail.
Mais l’inconvénient c’est que ce système de consensus est très lent. On estime que le réseau Bitcoin peut traiter jusqu’à 7 transactions par seconde. Pour vous donner un ordre d’idée, Visa en traite théoriquement 24 000 par seconde. La conséquence de ce faible taux de transactions par seconde, c’est que cela consomme énormément d’énergie électrique.
Pour vérifier toutes les transactions et donc assurer le bon fonctionnement de Bitcoin, il faut que chaque transaction soit auditée par tous les ordinateurs du réseau. Mais il y a une quantité phénoménale d’ordinateurs. Notamment depuis la surmédiatisation des crypto-monnaies en 2017, il y a énormément de personnes qui jouent le rôle de mineurs de Bitcoin pour recevoir des récompenses (rémunérées avec la crypto-monnaie du réseau).
Résultat: on a une quantité faramineuse d’ordinateurs dans le monde qui tournent en continue pour miner des crypto-monnaies extraites des blockchains qui fonctionnent avec le mécanisme de la preuve de travail.
La preuve d’enjeu des blockchains nouvelle génération
Les diverses controverses accablant le protocole de la preuve de travail poussent de plus en plus de blockchains à utiliser d’autres mécanismes de consensus. On voit notamment Ethereum, la blockchain la plus connue après le Bitcoin, qui s’apprête à changer pour le consensus de preuve d’enjeu.
Dans ce mécanisme, la logique de validation est tout à fait différente que pour la preuve de travail. En effet, il n’y a plus de mineurs avec ce consensus et donc il n’y a pas besoin d’avoir une puissance de calcul élevée pour valider des évènements. Ce système réduit considérablement les dépenses énergétiques liées au réseau.
Dans la preuve d’enjeu, les validateurs des évènements peuvent être considérés comme des actionnaires d’une entreprise qui ont le droit de participer à son mécanisme de consensus. Pour valider un bloc, les nœuds (aussi appelés validateurs dans ce mécanisme de consensus) doivent prouver qu’ils détiennent un montant minimum de la crypto-monnaie du réseau. Ils vont ensuite bloquer un montant de cette monnaie numérique sur le réseau. On parle de « staking » en anglais, d’où le terme d’origine de « proof of stake ».
Plus la quantité bloquée est importante, plus les chances d’être choisi pour valider un bloc augmente. Pour rappel, la validation d’un bloc signifie toucher une rémunération pour le travail de sécurisation du réseau effectué. Avec le mécanisme de la preuve d’enjeu, l’idée principale est que plus une personne bloque de la valeur sur le réseau, plus elle est susceptible de vouloir se protéger d’un piratage qui pourrait la ruiner. On parle de preuve d’enjeu puisque les validateurs ont un intérêt à ce que le réseau soit le plus fonctionnel et sécurisé possible.
On vit actuellement une véritable course au développement de la blockchain la plus parfaite. Chaque projet blockchain se veut être plus innovant et plus perfectionné que les précédents. Pour le moment, il n’a pas encore été acté quel consensus est le plus efficace. Certains mécanismes sont sécurisés mais très lents, d’autres sont sécurisés, rapides mais ils négligent le principe de la décentralisation. C’est pourquoi de nouveaux principes de consensus vont continuer à émerger dans les prochaines années à venir, jusqu’à ce qu’on détermine le consensus absolu.
La sécurisation par la capitalisation
Pour finir sur le thème de la sécurité des blockchains, il faut aborder le sujet de la capitalisation d’un crypto-actif. Je parle de la valeur totale d’une crypto-monnaie qui circule.
Ainsi, un fait qui est très sécurisant pour la blockchain, c’est que la valeur des crypto-monnaies est fortement soumise à l’équilibre entre l’offre et à la demande. C’est-à-dire que les cours sont très volatiles du simple fait de la quantité d’acheteurs et de vendeur sur une période. S’il y a plus d’acheteurs que de vendeur, le cours monte et inversement.
Tout cet équilibre repose sur la confiance des utilisateurs. Bien que virtuelles, les cryptos sont toujours des monnaies. Elles ont bien les 3 fonctions données par Aristote et, leur force repose sur la confiance de leurs utilisateurs. Ce qui signifie que l’on peut en acheter pour un prix qui varie en fonction du degré de confiance: si vous n’avez plus confiance dans une crypto, vous allez la revendre.
Dès lors, s’il y a une concentration de richesse sur un portefeuille et que cela représente la majorité d’une capitalisation d’une crypto-monnaie, la confiance des utilisateurs va être réduite au néant. Ceci aura alors pour conséquence de totalement ruiner la valeur du crypto-actif concerné. Car la transparence des blockchains permet de connaitre les portefeuilles numériques qui possèdent les plus grandes parts détenues sur la capitalisation totale d’une crypto. D’un simple clic sur Coinmarketcap.com on peut connaître les adresses des portefeuilles qui possèdent le plus de Bitcoin au monde:
En moment d’écrire ces lignes (décembre 2022) on peut voir que le portefeuille numérique qui contient le plus de bitcoins est détenteur de 1.19% de la capitalisation de cette crypto-monnaie, soit 250 597,33 BTC.
C’est encore une propriété particulièrement intéressante de la blockchain puisque, cela permet de garantir une disparité de la richesse et une protection du réseau par sa transparence. Dans une société capitaliste où le but du jeu est de s’enrichir au détriment des autres, la blockchain permet de rééquilibrer les chances d’accès à un minimum de confort financier.
En résumé, accaparer 50% ou plus de la capitalisation d’une crypto-monnaie revient à ruiner la valeur de celle-ci. Car les autres détenteurs le verront immédiatement et voudront revendre leurs actifs, sans qu’aucun acheteur ne se manifeste. Personne ne voudrait acheter une monnaie dont une majeure partie est détenue par un seul portefeuille, car ce dernier pourrait manipuler son cours en revendant de grandes quantités de liquidités à très court terme. Ainsi avec la loi de l’offre et de la demande la valeur de l’actif va drastiquement chuter. Aucune personne sensée n’irait jusqu’à payer des milliards pour acquérir un réseau qui ne vaudra plus rien une fois qu’il le détiendra.
Finalement ce ne sont pas des technologies de pointe reposant sur de l’intelligence artificielle ou des ordinateurs quantiques qui font de la blockchain un dispositif ultra sécurisé. La blockchain est infalsifiable grâce à des petites astuces. On dit souvent que la blockchain est une révolution technologique mais ce n’est pas le cas en soit. Elle est révolutionnaire dans notre manière d’utiliser des techniques informatiques pour proposer de l’innovation dans notre façon d’échanger de l’information irréfutable.
Les acteurs d’une blockchain
Maintenant que nous avons vu ce qu’est une blockchain, voyons quels sont les différents intervenants qui peuvent agir sur le réseau.
Les développeurs
Tout d’abord il y a les développeurs. Ils sont à l’origine de l’écriture du code d’une blockchain. Ce sont également eux qui mettent à jour le code d’une blockchain si nécessaire. Par exemple, si on se rend compte qu’une blockchain a une faille technique, il revient aux développeurs de corriger le problème.
Les nœuds
Ce sont les ordinateurs qui servent de validateurs d’évènements pour assurer le mécanisme de consensus de la blockchain. On parle de mineurs, si la blockchain en question fonctionne avec le mécanisme de preuve de travail. Pour les inciter à participer à la validation, les nœuds sont rémunérés avec la monnaie numérique du réseau. Sans les nœuds, le mécanisme de consensus n’existe pas, sauf si le consensus est centralisé c’est-à-dire que c’est une entité prédéfinie qui sert de validateur. Ce dernier cas n’est pas rare, il existe bel et bien, notamment pour des blockchains qui ne sont pas ouvertes au public.
Les utilisateurs
Enfin les utilisateurs sont les personnes qui utilisent le service proposé par le protocole de la blockchain. Sur Bitcoin, ce sont ceux qui font des transactions. Par ailleurs, ce sont eux qui rémunèrent en partie les nœuds. Par exemple dans le cas du Bitcoin, le service proposé est d’échanger de la valeur, le fait de pouvoir faire des transactions. À chaque transaction faite en Bitcoin entre deux utilisateurs, on va avoir les mineurs, qui vont valider l’évènement. Il y a alors des frais sur les transactions qui servent à payer une partie de la rémunération des nœuds.
Toute personne possédant un ordinateur, ou même un smartphone avec une connexion internet pour certaines blockchains, peut jouer à la fois le rôle d’un nœud et d’un utilisateur. Évidemment, jouer le rôle d’un développeur est un peu plus compliqué puisqu’il faut des compétences techniques en programmation.
Avec ces différents intervenants, on peut faire une nouvelle analogie entre la blockchain et l’économie d’un pays. En effet, on pourrait dire que le réseau de la blockchain, c’est la France. Les utilisateurs seraient les Français. Les nœuds seraient les banques commerciales. Les développeurs seraient la banque centrale européenne qui régule l’euro en fixant les règles financières. Le code de la blockchain serait la politique monétaire définie par la banque centrale européenne. La crypto-monnaie du réseau serait donc l’euro. Et enfin la blockchain serait l’historique de l’ensemble des comptes bancaires des Français. Si vous avez bien suivi, il faudrait également que toutes nos transactions financières et les numéros des comptes bancaires soient diffusés publiquement en ligne et en direct.
Exemple pour comprendre le fonctionnement de blockchain
Nous allons désormais voir deux exemples de ce que peut réellement apporter une blockchain dans la vie du quotidien. L’idée est de vous montrer rationnellement comment une blockchain peut impacter nos échanges.
Un exemple de transaction financière
Le Bitcoin étant une blockchain pour échanger de l’argent, nous allons d’abord voir les différences entre une transaction bancaire traditionnelle et une transaction avec la blockchain.
Admettons qu’une personne qu’on appellera Mathilde, veuille envoyer la somme de 1 000€ à son amie Camille. Mathilde a deux choix possibles. Elle peut lui donner l’argent en main propre, ce qui nécessite un contact physique. Mathilde peut dans l’autre cas, faire un virement bancaire à son amie. Et c’est d’ailleurs ce qu’il va se passer puisque Camille n’habite pas en France mais au Japon.
Si on simplifie le fonctionnement d’un virement bancaire international, voici ce qu’il se passe:
- Mathilde passe l’ordre à sa banque d’envoyer 1 000€ sur le compte bancaire de son amie
- La banque de Mathilde va alors vérifier qu’elle a bien suffisamment d’argent sur son compte pour effectuer le virement
- Si Mathilde a les fonds nécessaires sur son compte bancaire, ou un découvert autorisé pour couvrir le virement, alors sa banque va valider la demande
- Une fois cette étape de vérification effectuée, la banque de Mathilde va alors utiliser le réseau interbancaire SWIFT pour faire passer l’information qu’il faut créditer le compte bancaire de Camille, dont le compte est dans une banque japonaise
- Une fois l’ordre reçu, la banque nippone de Camille va créditer son compte de 1 000€
Dans cet exemple, nous avons trois intermédiaires qui servent de tiers de confiance pour assurer que le virement soit fait sans problème. Il va falloir rémunérer ces trois entités par l’intermédiaire des frais de transactions payés par Mathilde.
Avec la blockchain, lorsque Matilde souhaite envoyer de l’argent à son amie, voici ce qu’il se passe:
- Mathilde va d’abord soumettre un ordre à la blockchain. C’est-à-dire qu’elle va donner l’information « transférer 1 000€ en Bitcoin vers le portefeuille de crypto-monnaies de Camille »
- L’information est envoyée au réseau puis, est ajoutée dans le bloc en cours
- Ce bloc est ensuite vérifié par les nœuds et validé par un mineur
- Une fois la validation faite, Camille reçoit instantanément les Bitcoins moins les frais du réseau pour rémunérer les mineurs
De ce côté il n’y pas de tiers de confiance mais on a toujours des frais de transactions. Le transfert est très rapide, et coûte généralement moins cher que le virement SWIFT. Je précise « généralement » car les frais Bitcoin sont assez élevés, mais aujourd’hui on a des blockchains comme Solana qui permettent de faire des transactions beaucoup plus rapides et très peu coûteuses, de l’ordre de quelques centimes.
Il y a des avantages à utiliser une blockchain dans cet exemple. Lorsque vous envoyez de l’argent à quelqu’un par virement bancaire, il faut faire intervenir trois tiers de confiance et les rémunérer si, le destinataire n’est pas dans la même banque que vous. Ces tiers doivent vérifier les demandes de transactions financières et s’assurer qu’il n’y a pas de fraude. Ensuite, il faut attendre d’être sur des horaires de bureau, les jours ouvrés pour que le processus de transaction fonctionne.
Le Bitcoin démontre qu’un algorithme informatique bien pensé, permet d’envoyer de la valeur, sans tiers de confiance, en toute sécurité et plus rapidement qu’un transfert bancaire traditionnel. Un peu comme si l’on donnait de l’argent en main propre mais sans avoir besoin d’entrer en contact physique avec le bénéficiaire. Tant que deux personnes ont accès à internet ils peuvent échanger, peu importe leur pays ou les jours ouvrés.